CAR LA BELLE RESPLENDISSAIT

Elle est bien présente maintenant, la petite coquine. Plus question de vous en séparer. Vous vous souvenez ? Je vous le disais au tout début de cette aventure. Il aura suffit d'un regard pour qu'elle ressurgisse du passé, quelques attentions pour qu'elle conquiert à nouveau son territoire, et la voilà dans votre bureau, comme si de rien n'était.
Nous le savons tous depuis longtemps, la mystérieuse Miss X insaisissable se promenant à la rédaction d'AMSTRAD Cent Pour Cent, c'est notre belle machine, toujours aussi séduisante après toutes ces années...



Vous avez tout suivi ?

Plus à propos, on constate finalement qu'il ne faut pas avoir peur d'un décalage chronologique. Aprés tout, votre copine garde peut-être encore prés d'elle son plus bel ours en peluche, et vous avez sans doute encore votre jouet favoris posé sur une étagère tel un trophée. Un CPC, c'est ni plus ni moins qu'un bout de plastique, un assemblage de vis et de composants électroniques, et c'est vous qui le placez dans un contexte bien précis.

Au gré de nos péripéties, vous avez peut-être découvert qu'il n'a nullement été question de se contenter de dépoussiérer une relique et de déterrer le passé sans autre objectif que s'apitoyer sur une époque révolue. L'enjeu ici est tout autre car nous avons délibérément intégré notre belle machine dans son nouvel environnement, de sorte que le choc des générations ne soit pas trop violent. Et il y avait tant à faire ! Nous avons restauré la bête, nous lui avons adjoint de nouveaux périphériques, véritables portes ouvertes sur le XXIème siècle, nous avons exploité toutes les capacités qu'elle a à nous offrir aujourd'hui pour enfin obtenir une incarnation flamboyante d'une informatique d'une autre époque trônant dans votre intérieur, une antiquité décorative mais opérationnelle et prète à ranimer de son charme un peu désué les coeurs les plus glacés.



Un esprit sain dans un corps sain

Lecteur de disquettes 3'5 externe, pad 2 boutons, kit enceintes, écran plat, sans oublier un éclat impeccable des plastiques de la machine, briqués comme le pont d'un navire de guerre, soignez votre belle et elle saura vous le rendre !

Je peux vous assurer que si vous avez la place pour conserver cela à disposition chez vous dans un endroit même discret, vous ne pouvez pas regretter vos efforts. C'est réellement plaisant d'acheter un jeu CPC (dans un brocante ou sur eBay, voire dans un magasin de jeux vidéo core-gamer) et de pouvoir le plus naturellement du monde le lancer comme sur une console moderne. Il est aussi très agréable de télécharger la ROM d'une fanzine ou d'une démo trouvée sur l'Internet et de pouvoir l'écrire sur une disquette que l'on va lire ensuite simplement sur un vrai CPC. Allez-y voyons, lancez-vous! En plus vous en mourez d'envie. Même si vous pensez qu'elle retournera à un moment ou à un autre dans son carton, on ne peut pas refuser un petit voyage supplémentaire en compagnie de notre Lady... Cela n'a rien à voir avec de l'émulation !



Tavernier ! Du ROM et des originaux !

Il est d'ailleurs impensable d'aborder l'usage d'un CPC de nos jours sans évoquer le sujet très controversé de l'utilisation des fichiers ROMs. Grâce à l'Internet et aux fabuleuses capacités de stockage désormais à la disposition de l'utilisateur, il est possible de sauvegarder sur une petite clef USB l'intégralité des productions commerciales qui ont fait la gloire de cette belle machine. Un simple logiciel de transfert vers un support compatible CPC permet ensuite d'utiliser n'importe quel soft comme si l'on en détenait une copie originale.

Tous ces programmes, que ce soient des jeux ou de trés sèrieux logiciels professionnels, sont copyrights de leurs auteurs respectifs. Il faut donc immédiatement rétablir une vérité immuable sur le sol français, la seule applicable sans concession : l'auteur même d'un programme ne peut pas plus abandonner ses droits sur celui-ci que l'utilisateur n'en a de le dupliquer sans en posséder une copie officielle. Ainsi le problème soulevé par l'Abandonware est très simple à éluder, puisqu'un auteur ne peut abandonner ses droits. Il ne peut que vous proposer le programme en s'engageant, officieusement bien sûr, à ne pas intenter de poursuites judiciaires pour détention illégale d'une oeuvre intellectuelle protégée. Mais comme la démarche est totalement officieuse, c'est évidemment aux risques et périls de l'utilisateur final, nous en l'occurence.

Ceci étant dit, sans pour autant prendre de liberté d'interprétation des textes et sans pousser qui que ce soit à ignorer la loi, les fichiers ROMs que l'on trouve en masse sur l'Internet pour notre bon CPC sont de petits programmes archaïques et désués sans plus aucune valeur marchande et n'ayant plus aucun potentiel commercial. Illustrant ce propos, il est salutaire de constater sur les sites dits d'Abandonware que certains auteurs proposent leurs propres productions à la libre diffusion (ce qui ne veut pas dire libre de droits si vous me suivez toujours). Aprés tout, que faire de ces programmes ? S'ils peuvent amuser une poignée de fondus, ils ne créent pas de manque à gagner pour le marché actuel. Un vieil Arkanoid amusera le joueur par nostalgie ou curiosité mais ne grèvera pas pour autant sa consommation de jeux vidéos modernes car ce sont là deux univers bien distincts séparés par un abîme temporel. Plus pragmatiquement, on peut sans trop s'avancer supposer que les autorités compétentes ont d'autres chats à fouetter que d'aller ouspiller quelques dingues faisant tourner des jeux vieux de 30 ans pour une machine disparue du marché il y a plus de 20 ans. On ne risque plus d'attirer l'attention en downloadant la dernière version de Discology pour son CPC.

Enfin, et en tant que collectionneur accompli, je ne peux qu'engager quiconque à faire l'acquisition de quelques jeux en version originale pour accompagner la belle. On peux copier des dizaines de ROMs sur des disquettes pour ensuite lancer à la chaîne des légions de jeux, cela ne remplacera jamais les sensations éprouvées par la détention d'un "vrai" jeu entre des mains expertes. Il est vraiment agréable de tenir la boîte d'un jeu entre ses doigts, de l'ouvrir pour en extraire la disquette avant de la glisser dans le lecteur, de lancer le programme et de feuilleter la documentation pendant le chargement. Tout autant latin que gaulois, le français apprécie de tenir un objet, de palper quelque chose de physique. Il aime toucher, tout simplement. Le français est tactile.

C'est aussi l'occasion de redonner son impact à un jeu CPC. Il est regrettable aujourd'hui de constater que l'on considère par trop tous ces programmes comme de simples fichiers images que l'on fait défiler à l'aide d'un émulateur. Pourtant, chaque jeu ou application est le fruit de nombreuses semaines de travail pour une équipe de concepteurs acharnés. Ce n'est pas un simple amas d'octets, c'est avant tout une oeuvre intellectuelle qui mérite la même déférance que la plus récente et la plus coûteuse des productions actuelles. Mais l'on peut en prendre la mesure uniquement en tenant entre ses mains un soft original dans sa boîte plutôt qu'une simple disquette vierge gavée de jeux en vrac.

C'est aussi cela la magie du vintage, c'est pouvoir profiter de ses jeux favoris comme l'on feuillette un vieil ouvrage qui a su passionner.



N'oubliez pas vos racines

Et nous voici donc de nouveau face à cet éternel constat : rien ne remplace le tactile, ce lien à l'affectif viscéral et encré en chacun de nous. Il n'y a qu'à voir l'intérêt que porte actuellement le marché vidéo ludique aux trentenaires que nous sommes. Il n'y a qu'à voir toutes ces productions pour consoles actuelles reprenant de vieilles licences à succés dans des styles oscillant entre le légendaire et le carrément "has been" comme le très "hype" R-TYPE FINAL sur PS2 ou le désespérant GOLDEN AXE sur PS3/XBX360. On peut aussi se faire plaisir avec des tonnes de compilations rétro ou encore des remakes plus ou moins heureux disponibles sur les plateformes de téléchargement PC ou consoles. Et lorsqu'on a bien fait le plein de vintage, on peut encore se goinfrer de néo-rétro en jouant à des jeux actuels détournent habilement gameplay, design et limites techniques des années 80.

Ce phénomène joue largement sur une tendance générale à la nostalgie sans doute due à ce caractère si particulier qui définie les "adulescents". Notre volonté de ne pas rompre avec notre enfance nous rend carrément fans de tout ce qui nous a construit et dont nous désirons nous entourer à nouveau coûte que coûte, sans doute pour nous rassurer face à ce monde cruel (brrr!!!).

Ceci étant dit, c'est aussi là une occasion pour nous tous, core-gamers, retro-gamers et joueurs occasionnels, de nous souvenir que les concepts les plus simples, même mal desservis, sont souvent les plus accrocheurs. Le phénomène PAC-MAN est d'ailleurs tout à fait représentatif. Mettez-le dans les mains de quiconque, enfant ou adulte, il l'essaiera d'abord avec une indifférence polie, puis ne voudra rapidement plus vous rendre la manette qu'après plusieurs parties. L'espoir est donc permis, ce n'est pas seulement la nostalgie qui guide les pas des explorateurs que nous sommes, mais peut-être aussi tout simplement un désir et une propension naturelle à jouer. Mettez-nous une manette dans les mains, le réflexe de jouer avec le jeu auquelle elle est branchée sera aussi fort que celui qui nous pousse machinalement à faire tournoyer du bout des doigts un trousseau de clefs.

Malgré cela, on peut nous mettre en présence d'une manette relookée contenant PAC-MAN prêt à brancher sur une TV, ou encore essayer de nous plonger dans l'univers MEGADRIVE avec une compilation prorpement servie par une interface au design vintage, tout cela ne présentera peut-être aucun des réactifs qui nous ont rendus personnellement accrocs au petit bonhomme jaune ou au Maître SEGA. Toujours le facteur psychologique. Après tout, ce ne sont pas des équipes marketing, si douées soient-elles, qui peuvent forcément déterminer des déclencheurs aussi personnels et individuels que ceux qui ouvrent les verrous vers notre petite madeleine de Proust, non mais...

Alors qu'en est est-il de notre bon vieux CPC dans tout cela ? Et bien il apporte justement cet ingrédient manquant : l'affectif. Ce qui compte pour celui qui a grandi avec un CPC entre les mains n'est pas seulement de redécouvrir aujourd'hui qu'un jeu comme BOMB JACK est toujours aussi addictif, mais surtout de le redécouvrir au travers de la seule version qui compte à ses yeux. Votre machine préférée est votre référence, tout le reste vous paraîtra peut-être fade et sans saveur, même la version arcade si fine de votre jeu préféré. Essayez donc la version arcade de CONTRA développé par Konami en 1986, et lancez ensuite son adaptation sur CPC, GRYZOR, pour saisir toute l'ampleur de cette remarque. Ce qui vous fera réagir, c'est le bruit de la disquette dans le lecteur, les couleurs vives si caractéristiques du CPC et ses mélodies propres au chipset AY. En fin de compte, ce CPC que vous venez de dépoussiérer va vous replonger bien plus efficacement dans cette période de votre vie que n'importe quelle mini-console coûteuse et vous permettra même peut-être de profiter de cette CPC-touch au travers de productions plus récentes.

Si l'heure est au recyclage de concepts ressurgis du passé, n'oubliez pas de trier le bon grain de l'ivraie, car si certains concepts se prètent volontiers à un lifting pour intégrer un imposant moteur graphique 3D tournant sur la dernière génération de consoles, d'autres perdent en route leur fraîcheur, cette magie de la suggestion qu'imposaient les contraintes techniques du moment.

D'ailleurs, il y a aussi à boire et à manger dans la version d'origine de tous ces jeux ressuscités du passé. Etrangement les jeux les plus pointus de notre CPC s'avèrent souvent datés et décevants, alors que les plus simples sont souvent surprenants par leur caractère inusable. Ainsi, un titre comme STORMLORD 2 - Deliverance, véritable monstre de technicité en son temps, s'avère aujourd'hui difficile à manier et ses graphismes si détaillés le rendent souvent confu. L'éblouissement technique s'étant évanoui, il ne reste plus qu'un gameplay bancale loin de nos repères modernes. A l'inverse, un jeu aussi épuré que BOULDER DASH vous poussera des heures à errer dans son dédale pour attraper de nouveaux diamants. Vous enchaînerez aussi sans relâche de nouvelles parties de BOMB JACK pour améliorer votre score. Pour ainsi dire, les jeux les plus simples peuvent franchir les années et seront bien mieux épargnés que des démonstrations techniques lourdes apparaissant aujourd'hui maladroites. On peut dire de ces perles rares qu'elles sont "user friendly", c'est à dire qu'aujourd'hui encore le joueur prend un réel plaisir à manipuler le programme.





Si vos premières retrouvailles avec le CPC vous semblent chaotiques et décevantes, accordez une deuxième chance à cet ultime rendez-vous en choisissant judicieusement les productions que vous désirez retrouver, car vous savourerez sans nul doute mieux un petit jeu sans prétention mais propre et plein d'idées qu'un autre bien plus ambitieux mais à l'étroit dans les faibles capacités d'un CPC. Recherchez la fraîcheur de jeux au concept simple mais efficace et au maniement instinctif. Lancez une partie, si vous avez toujours le pad à la main passée la première minute fatidique du "mais oui, je me souviens", alors c'est gagné.

Nous avons tous nos propres références, mais faîtes un peu de tri avant de tout mélanger sans pouvoir distinguer les saveurs. Dégustez chaque bouchée. N'oubliez pas vos racines...